On marche toujours sur la tête

Les agriculteurs et leurs tracteurs sont rentrés dans les fermes. Le monde politique s’est positionné et on marche encore plus sur la tête ! Ce n’est pas cette semaine que vous verrez le bandeau de votre Newsletter préférée remis à l’endroit.

Les décisions d’Ursula von der Leyen 1(Commission Européenne), en France ou chez nous vont dans le même sens : ce ne sont pas les agriculteurs qui ont gagné, ce sont les majors de l’agro-alimentaire ! Et les plus grands perdants sont sans doute l’environnement et la santé. Pourquoi affirmer cela ? Parce que ces décisions lèvent les contraintes environnementales. La plus emblématique et importante est l’abandon par la Commission Européenne du plan pesticide qui visait à une réduction de leur utilisation de 50 % d’ici à 2030 dans le cadre de la politique européenne de « Green Deal ».

C’est qu’une politique agricole qui vise à peser sur les marchés mondiaux et qui dissimule des enjeux géostratégiques met en concurrence nos agriculteurs avec le reste du monde. L’autorégulation du marché, paradigme néolibéral, a créé une pression sociale et environnementale insoutenable pour eux. Dans ce système ultra compétitif, il est sans cesse nécessaire d’augmenter sa productivité, de toujours compresser ses coûts de production, bref de suivre la voie de l’industrialisation forcenée pour survivre2. Mais nous arrivons au bout de cette logique car les marges de manœuvre des agriculteurs sont étroites et pour la plupart déjà épuisées : sur-travail et faible rémunération, accès au foncier sans cesse plus cher, nouveaux investissements qui augmentent l’endettement, etc. Et cela dans un contexte où les coûts de production ont explosé et des subventions qui favorisent les grosses exploitations. Pour tenter de dégager encore quelques marges de productivité, les politiques lèvent les contraintes environnementales.

Faute de solutions plus structurelles, les agriculteurs sont enfermés dans un système absurde qui les conduit à leur propre perte, saccage l’environnement, leur santé et la nôtre. Et, fait perdre toute valeur et sens de leur travail pourtant essentiel : nous nourrir !

La trajectoire des décisions politiques actuelles nous mène à une impasse : « La folie, c’est de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent » disait Einstein. Il nous faut reconsidérer la politique agricole même et la transformer en politique agricole et alimentaire, décidée démocratiquement entre agriculteurs, mangeurs, environnementalistes et spécialistes de la santé. Une politique qui permettra aux agriculteurs de sortir de ce système ultra compétitif délétère pour nous rejoindre dans un modèle d’agriculture paysanne et nourricière, ancrée sur son territoire que la rationalité à moyen terme exige. Quelle force politique soutiendra massivement ce projet que nous Agricovert mettons déjà en œuvre à notre modeste échelle ?

2Pour aller plus loin sur la logique capitaliste voir « Capitalisme, la quadrature du cercle », analyse Saw-b, 2023

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